Au panier !

Publié le par AlMar

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Au panier !, de Henri Meunier, illustré par Nathalie Choux, aux éditions du Rouergue, 2004

Cet album m'a été indiqué par mon Papa pour donner de l'eau au moulin de mon mémoire. Pourquoi donc ? Bin parce qu'il a été jugé subversif par le lieutenant en poste au centre de rétention de Lyon, qui l'a reçu des mains de Martine Vuaillat qui venait rendre visite en juin dernier à Séphora et à ses parents. Un adulte, mieux, un représentant de l'ordre se sentant menacé par un livre pour enfant ?! Déu n'hi do ! Mais de quoi parle l'histoire ?

Il commence par une citation en page de garde, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "
Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un état". Et raconte comment une femme noire, un chat vert et un drôle d'oiseau qui se promenaient dans un parc, se font embarquer par les forces de l'ordre, au rythme de "Pas de papiers, au panier !". Un petit garçon rose qui passait par là et à qui on n'avait rien demandé, confie que lui non plus n'a pas de papiers. Embarqué ! Bin dans ce cas, le soleil jaune non plus, n'a pas de papiers. Qu'à cela ne tienne ! Embarqué ! Du coup, le monde est plongé dans l'obscurité, le flic, tout seul, n'y voit plus rien, et tous ceux qui ont été arrêtés retrouvent le sourire ...

Ce qui est assez hallucinant, ce sont certains commentaires, sur le blog de à l'école des sans papiers, qui disent que cette dame n'a eu que ce qu'elle méritait, qui lui demandent si ça valait le coup puisque maintenant, elle est privée de visites ... Mais au fait, qu'est-ce qui était jugé subversif dans cette histoire ? L'acte de donner Au panier ! à lire à des agents de l'ordre public ? L'acte de donner à lire à des agents de l'ordre public ? Ou le livre lui-même (puisqu'ils ont tout de même noté les références de l'album avant de la laisser partir !) ? Les livres ne sont-ils là que pour parler de ce qui ne nous questionne pas ? Ou oui, ils peuvent, mais il ne faut surtout pas mettre ces idées-là dans la tête d'enfants si jeunes ?
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D
Je l'ai acheté, je te l'apporterai. Emma, chez Coiffard, connaissait ce livre et me l'a tout de suite sorti de son étagère!
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A
En fait, je l'ai déjà commandé à la libraire française ! Le libraire m'a dit qu'il arriverait à peu près en même temps que le ... Harry Potter 7 que j'ai réservé (mais j'ai promis à Alf que je le laisserai le lire en premier) !!! Je suis surprise : on n'est que 2 à l'avoir réservé, et le monsieur n'en a commandé qu'une trentaine ...
D
OK, je ne connais pas mon Code Civil sur le bout des doigts... Mais est-ce que ça donne le droit à un détenteur d'une parcelle d'autorité de faire la loi dans un lieu dépendant quand même du service public? Surtout que, en fait, c'est plutôt pour ses hommes qu'il a jugé le livre subversif, puisque c'est pour eux qu'elle l'avait laissé à l'entrée du centre de rétention. Et si on leur envoyait un carton d'exemplaires de "Matin brun"?Ca me fait penser, dans un registre inverse, à la polémique actuelle sur une interdiction éventuelle de "Tintin au Congo", jugé raciste et incitant au racisme par certaines associations. Je l'ai lu, je devais avoir 8 ans. Je ne me souviens pas d'en avoir discuté avec mes parents, mais j'ai senti toute seule ce que le comportement de Tintin pouvait avoir de méprisant vis-à-vis des Noirs qu'il côtoyait! Et puis, les images me semblaient vieillotes, donc se rapportant à une époque révolue. Je n'analysais évidemment pas ma lecture de cette façon, mais c'est bien ce qu'il en résulte maintenant. Nos contemporains sont-ils devenus incapables du niveau de réflexion d'une petite fille des années soixante?
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A
Faut croire que oui ... Pour preuve ces gamins qui se jettent d'une fenêtre pour faire comme Superman, ceux qui inspirés par Scream enfoncent un couteau dans le ventre d'une copine pour voir ce que ça fait ... Ou ces étiquettes qui fleurissent partout ("interdit aux femmes enceintes", "fumer tue") ... Comme si on était des irresponsables, incapables d'assumer nos actes ...Bientôt, ce ne sont pas des "déconseillé aux moins de" qu'on verra, mais des avertissements du genre "A prendre au 2nd degré" ou "N'essayez pas de le faire sans l'aide d'un adulte" ...
D
Ne pas oublier que ce livre avait, auparavant, reçu tous les visas nécessaires à sa parution légale en littérature de jeunesse, visas délivrés par les autorités compétentes... Et ces autorités, un lieutenant a estimé qu'elles n'avaient finalement pas compétence à l'intérieur de son centre de rétention, considéré par là-même comme étant en dehors du territoire et de la législation français!
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A
Le problème, c’est que non, cet album n’a sûrement pas tous les « visas nécessaires à sa parution, comme tu dis. Comme tous les autres d’ailleurs. A partir du moment où l’éditeur a choisi de publier un livre, le livre sortira dans les bacs. Il existe cependant une Commission, la Commission de la loi du 16 juillet 1949, créée après la guerre, qui a pour devoir de défendre la moralité dans toutes les publications à destination de l’enfance et de la jeunesse. Officiellement, elle reçoit une copie de l’album, roman … à paraître pour en décider. Dans les faits, il y a tellement de publication qui sortent chaque année, qu’ils n’ont pas le temps de donner, en connaissance de cause, leur aval, et sont plus occupés à lire les revues pornos, pour éviter qu’elles ne tombent entre les mains des enfants. Donc, tous les albums, romans pour ados, etc, reçoivent d’office le sceau selon lequel ils répondent aux critères de moralité exigés par la loi 1949. Même les albums que je voulais intégrer au corpus de mon mémoire, mais qui posent tant problème aux médiateurs du livre.Je ne sais pas s’il existe une « liste noire » décrétée par cette commission, je ne sais même pas si un des albums qui m’intéressaient en fait partie. Mais le fait est que j’ai trouvé très peu de livres qui m’intéressaient en rayon ou commandables auprès de l’éditeur. Car la Commission, dans le cas des publications réellement destinées à la jeunesse et à  l’enfance, intervient à posteriori, après publication : elle fonctionne sur la dénonciation, principalement d’associations familiales, mais peut aussi être saisie par monsieur tout le monde. Si l’ouvrage est déclaré malsain par la Commission, le parquet est saisi, mais on n’en empêche pas la publication ni sa réédition. On en interdit simplement la publicité et la présence visible sur les étagères des librairies ou tabac-presse, par exemple. Or, un livre dont on ne parle pas, qu’on ne montre pas, est un livre qu’on étouffe, qui tombe dans l’oubli, qui ne se vend pas et coûte de l’argent à l’éditeur, au libraire, etc. Donc c’est un livre qu’on ne réédite pas ! Les revues pornos peuvent être cachées, inaccessibles aux enfants, elles trouveront toujours preneur. Mais un album dont on ne parle pas, qu’on ne voit pas ou dont on dit qu’il est « dangereux » pour les enfants n’intéressera pas les parents !! Alors, pour en revenir à Au panier !, si le lieutenant saisit la Commission, sachez que la Commission est composée de membres de l’éducation nationale, d’éditeurs, de magistrats, de psychologues et … du ministre de l’intérieur !!! Donc, comme le dit Martine Vuaillat, il est fort possible qu’il disparaisse des rayons de vos librairies préférées. Et si cet album vaut le coup, à vos porte-monnaies, vite !